Ce n'est pas la peur de ne pas pouvoir se séparer d'un salarié qui pose problème, sinon on se verrait au moins proposer des CDD, c'est simplement qu'on estime qu'un jeune ne vaut pas un "vrai" salaire... En fait, de plus en plus, on estime que personne ne vaut un "vrai" salaire, mais on ne peut plus agir sur les salaires de ceux qui sont déjà embauchés en CDI et qui ont accumulé de l'ancienneté dans des périodes plus fastes; alors on essaye de se rattraper sur ceux qui ne sont pas encore embauchés.
Les jeunes ne sont pas responsables des situations où les employeurs se sentent pieds et poings liés par un CDI (certains en arrivent même aux extrêmités de la mise au placard, du harcèlement moral pour amener un salarié à démissionner). Mais ce sont les jeunes qui en paient les frais. Et les CDI qui "encombrent" les employeurs au point de leur faire avoir en horreur l'idée d'embaucher, je ne pense pas qu'il s'agisse en majorité de CDI datant de moins de 2 ans.
Alors non, je ne pense pas que le CNE ou CPE change quoi que ce soit.
Les jeunes, indépendemment de leur motivation et de leur valeur, continueront à faire les frais de ce que les employeurs considèrent comme des entraves à la liberté d'entreprendre (à savoir ce qu'ils appellent "les lourdeurs du Code du Travail"). Tant qu'il n'y a plus moyen de dire "si vous ne me donnez pas des garanties pour l'avenir, j'irai voir si l'herbe est plus verte ailleurs", même le jeune le plus brillant et le plus prometteur ne peut plus se permettre de négocier quoi que ce soit.
Les stages ont pris trop d'ampleur, la notion de stage comme "première expérience en entreprise" a été trop dévoyée pour qu'on puisse revenir en arrière.
Les cabinets de conseil devraient manifester eux-mêmes contre les stages-missions à des prix défiant toute concurrence. Je ne compte plus les entreprises qui veulent se certifier ISO 9001 ou 14001 et qui font rédiger leurs documents par des stagiaires, ou qui font faire des pré-diagnostics par des étudiants. Mais ils ne le font pas, car parfois ils profitent eux-même de stagiaires pour développer leur activité, voire pour réaliser les études qu'ils n'ont pas le temps matériel de faire.
Bien sûr, il y a des ratés, des étudiants qui ne font pas un travail exploitable, ou qui passent leur stage à surfer sur internet sans aucun apport pour l'entreprise (souvent, ceux-là sont en stage obligatoire, n'ont pas trop peur pour leur subsistance et se disent qu'ils préfèreraient être sur la plage à dépenser l'argent de leur compte épargne alimenté par leurs parents depuis leur naissance...je le sais, j'en ai fait partie!) . Mais vu le peu d'investissement que demande un stagiaire - 17.5 euro par jour pour mon dernier stage à comparer aux 300 euro/jour (grand minimum) d'un consultant - on peut se permettre de griller cette cartouche et de tenter plus tard avec un autre étudiant plus consciencieux.
J'ai même vu organiser des concours de mémoires de master dont on récupérait les dossiers pour les vendre aux entreprises des secteurs concernés, sans même que les étudiants en soient informés.
C'est ça la mondialisation; certains rêvent que tout le monde soit payé au prix d'un travailleur pakistanais. Enfin, surtout les jeunes prétentieux, les jeunes cons, les jeunes voyous, etc, etc. enfin tous ceux qui ont le malheur d'être encore jeunes. Et plus la classe d'âge dominante vieillit, plus les jeunes restent jeunes vieux. A 35 ans, on est encore jeune..pour que les 55 ans puissent se sentir dans la force de l'âge, que le président puisse ne pas se sentir vieux, et qu'on ne puisse plus se permettre de dire que les sénateurs et académiciens sont séniles.
Allongement de la durée de vie, étirement de l'adolescence des jeunes, encore forcés à 30 ans de demander les bulletins de paye des parents pour louer un logement, même quand ils ont un salaire eux-mêmes.
Quand je pense que j'ai voté il y a un peu plus d'un an sur un texte écrit par le mec qui était déjà président de la République quand je suis née, comment ne pas se dire que ce sont toujours les mêmes qui tirent les ficelles, et que ça n'en finit plus..? J'ai souvent trouvé que les jeunes qui m'entouraient étaient cons, alors je n'ai pas du tout envie de faire du jeunisme idiot, mais même quand je rencontre des jeunes qui ont des vraies qualités (et c'est le cas de ceux qui ont lancé le mouvement de Génération Précaire), la chose qui nous rassemble c'est l'impossibilité de se projeter dans l'avenir. Je trouve ça assez désespérant.