JT de France 3 du dimanche 3 décembreJe sais que j'ai sûrement tort d'écrire ça, mais là je ne peux pas me taire.
J'ai fait très attention au début à ne pas tout mélanger, à ce qu'on ne prenne pas ma parole pour celle de Génération Précaire sous prétexte que j'avais un blog personnel où je parlais aussi de Génération Précaire, j'ai toujours essayé de respecter le travail d'orfèvre qui était fait par l'ensemble du groupe pour que personne ne se sente trahi dans l'image qui était véhiculée par les médias ou ailleurs. Il a même fallu savoir dire non à des politiques estimés par certains d'entre nous pour respecter la neutralité politique du collectif, pour montrer que le problème des stages était au dessus des logiques partisanes et devait être pris en main par tous.
Mais là, je suis écoeurée et je ne peux plus le cacher.
J'en ai marre des journalistes et de leurs simplifications stupides.
J'en ai marre qu'ils piétinent ce qui nous tient à coeur pour que ça rentre dans leur format de JT ou qu'ils transforment la vérité pour la rendre plus vendeuse.
L'action du
collectif "Génération Précaire", a abouti à une loi et un décret, mais a aussi abouti à une prise de conscience impensable ne serait-ce qu'un an auparavant: la conscience que le travail, même d'un étudiant en stage, ne peut pas être utilisé gratuitement par une entreprise. Et ce n'est pas l'action d'une ou deux personnes.
Seulement les gens aiment trop réduire les choses à une seule personne, à un porte parole. C'est là que nous surprenions; plusieurs porte-paroles, d'origine et d'opinions politiques différentes, se relayaient pour dénoncer le problème des stages. Non, ça ne concernait pas que les professions culturelles ou journalistiques, des juristes venaient parler de leurs stages-exploitation. Non ça ne concernait pas que les parisiens, des collectifs se créaient partout en France. Non, ça ne concernait pas que les bac+x, des apprentis parlaient de la concurrence qui apparaissait parfois entre apprentis et stagiaires de bac pro.
Et ce soir je découvre que Génération Précaire et Jeudi noir, c'est la même chose. Je vois un titre "jeudi noir" surmonté d'une photo de la manif des stagiaires.
Que certains d'entre nous, grisés par les flash-mobs et le pouvoir de communiquer aux médias en aient profité pour créer un autre collectif porté sur le logement (que je ne juge pas sur le fond d'ailleurs) est une chose. Réduire tout cela à un seul et même mouvement, c'est intellectuellement malhonnête et déloyal.
En tant que féministe aussi ça me fait bondir. Vous ne trouvez pas ça étrange qu'une manif de stagiaires à laquelle j'ai participé le 1er novembre 2005 ait regroupé en grande majorité des femmes, et qu'aujourd'hui on nous présente deux hommes comme les instigateurs du mouvement? Cathy et toutes les autres, qui se sont occupées des relations à la presse, du courrier aux sympathisants qui rejoignaient le mouvement, qui ont planché sur les textes juridiques à soumettre aux assemblées, etc. ont disparu du paysage médiatique. A voir le sujet de ce soir, il ne reste plus que Leïla, en retrait, et les éternels propriétaires de la parole, Lionel et Julien. Qui aurait imaginé que le plafond de verre pour les femmes existe aussi au sein de Génération Précaire? Mais c'est logique, que voulez-vous. Il y a celle qui portel'initiative d'un livre de témoignages, dirige la rédaction, les relations avec la maison d'édition, coache les écrivains et finit par en laisser le bénéfice à une association officiellement représentée par trois hommes. Il y a celle qui manage une équipe juridique, rédige des textes, épluche les textes de loi, et finit par quitter le mouvement, écoeurée par le "marketing politique" qui plaît tant à ceux qui parlent mieux et surtout plus fort que les autres. Il y a celle qui gère les relations média pendant 6 mois et finit par lacher l'affaire parce que c'est difficile à vivre, un téléphone portable qui sonne toutes les dix minutes, de 7h du matin à 11h du soir et qu'elle en a assez qu'on lui demande des témoignages larmoyants. Il y a celle qui répond avec humanité à tous les mails reçus et veille à ce qu'aucun étudiant travaillant sur les stages et demandant l'aide du collectif ne soit oublié et qui retourne à ses propres études à elle parce qu'elle est en train de mettre son diplome en péril. Bien sûr il y a aussi des hommes qui travaillent dans l'ombre, et sont moins entendus parce que leur voix porte moins , parce qu'ils sont moins charismatiques, et aussi parce qu'ils sont moins à l'aise avec le bluff.
Mais c'est la dure loi de la vie. Il y a ceux qui se mettent en avant et ceux qui travaillent dans l'ombre , ça a toujours été le cas. J'ai retrouvé nombre de fois dans les réunions de Génération Précaire des comportement évoqués par les sociologues de genre. Des hommes qui dirigent la parole, des femmes qui veulent garder l'anonymat (moi-même ici présente), des femmes pour qui tout doit être parfaitement préparé pour qu'on n'ose même évoquer un sujet et des hommes que l'approximation ne dérange pas du tout, qui n'ont aucune honte à envoyer un communiqué de presse rédigé en 10 minutes. Nous avions besoin des deux, je ne suis pas en train de rejeter une attitude plutôt qu'une autre. Ce que je rejette, c'est la disparition de certains aspects dans ce que je reçois aujourd'hui dans le journal télévisé. L'image des stagiaires masqués de blanc était trop belle pour qu'on ne la réutilise pas pour présenter le collectif Jeudi noir. Soit. Quelques-uns du collectif jeudi noir ont aussi fait partie et font encore partie du collectif Génération Précaire. Soit. Mais on oublie que la mise en scène -qui a tant plu lorsque le collectif Génération Précaire a attiré l'attention des journalistes- était parfois violamment rejetée par ceux qu'on présente aujourd'hui comme les initiateurs du mouvement.
Lionel et Julien n'auraient pas eu accès aux médias sans les idées jugées loufoques de Cathy, le coup de gueule de Cathy ne serait pas arrivé devant le parlement sans l'audace de julien et le pragmatisme de lionel. Soit. Les trois n'auraient pas fait grand chose sans la partcipation, le soutien, l'enthousiasme, la rage, de tous les autres.
C'est pourtant pas compliqué! Un collectif, c'est un collectif.
Et ce n'est pas parce qu'on retrouve des gueules qu'on a déjà vues dans un collectif Jeudi noir qu'il faut croire que Jeudi noir c'est Génération Précaire.
RAaaaah, cette soupe médiatique est de plus en plus écoeurante.