
Les stagiaires sont en colère! Enfin!!
Je me demande si je n'ai pas sauté de joie le jour où j'ai reçu par
la liste du "Forum citoyen pour la RSE" la
pétition pour la réforme du statut des stages . Enfin, on exprimait ce qui m'avait miné le moral lors de mon dernier stage , ce qui continuait de m'écoeurer en tant que militante pour un développement durable!
Le développement durable, c'est à la mode, tout le monde en parle, tout le monde dit s'y intéresser, mais quand il s'agit de réellement prendre des mesures, les seules choses qu'on propose sont des stages, pour des jeunes qui ont choisi dans leurs études de s'intéresser à la protection de l'environnement, à la responsabilité sociale des entreprises, à la gestion raisonnée des ressources.
Soyons clairs: la définition la plus retenue pour le terme Développement Durable (très mauvaise traduction de Sustainable Developement), c'est "répondre aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs".
La question des stages, c'est une question de développement non durable. C'est même l'histoire d'une génération présente qui ne se préoccupe aucunement de laisser la possibilité à une autre génération présente (les 18-30 ans) de répondre à ses propres besoins. Nous avons besoin de boulot? On nous en donne... mais sans le salaire! Nous avons besoin de boulots rémunérés? On nous en donne : mais sans considération pour l'investissement personnel qu'on a mis dans nos études (et là, vive le télémarketing, la restauration rapide, etc.). Nous avons besoin de nous réaliser en faisant des choses qui nous tiennent à coeur? On nous donne toute liberté de le faire : mais en associations et en bénévoles. Nous avons besoin de croire qu'on peut travailler sans perdre son âme et dans le but d'un mieux-être commun? On nous fabrique des formations payantes qui ne débouchent sur aucun emploi. Du genre du mastère spécialisé que j'ai fait! Aucun emploi, mais combien de stages?
Ras le bol de servir de formateur à une génération qui n'a pas tout suivi (en informatique, en législation environnementale, en nouvelles technologies), qui a une maison, une famille, un pouvoir d'achat et dont la seule inquiètude est de savoir combien d'annuités elle aura pour sa retraite, alors qu'à 28 ans je n'en ai aucune, et qu'on m'annonce qu'il m'en faudra sans doute 40....
Mon inquiétude à moi, c'est:
"Quand est-ce que je ferai vraiment partie de la société?"
En y réfléchissant, l'ultime but de réformer le statut des stages, c'est tout simplement de supprimer cette forme de travail scandaleuse, exploitation d'une génération par une autre. Le cadre débordé qui n'arrive pas à faire face à ses obligations (peut-être parce qu'il occupe deux postes en même temps, voire trois? Pour justifier son salaire de cadre?) s'entend dire "embauche un stagiaire, voire deux!". C'est comme ça qu'on rétablit l'équilibre: 2 ou 3 personnes pour effectuer le travail de 2 ou 3 personnes - tout va bien! Le seul problème c'est que l'une reçoit 35k€ par an (et je suis très optimiste, c'est souvent beaucoup plus, mais pour mon moral je préfère ne même pas savoir combien il gagne....) pendant que l'autre (ou les deux autres) reçoit 300€ par mois (3,6k€ net par an), sans autre indemnité (étudiant= pas de minimum social), sans couverture sociale (ou plutôt il paye sa sécu étudiante), sans être considéré comme apportant de la richesse à l'entreprise, sans cotisation salariale ni patronnale, sans avantages du CE, sans , sans ,sans... Est-ce que le manque d'expérience justifie vraiment ce rapport de 1 à 10? Est-ce que notre temps vaut vraiment 10 fois moins que celui d'un quadra- ou quinqua-génaire? Sommes-nous les rebuts de la société pour ne pas mériter de participer aux cotisations sociales? Est-ce qu'on ne serait pas condamnés à se faire traiter de "Tanguy" par des parents qui ne comprennent pas qu'avec les études qu'ils nous ont payé on soit toujours à leurs basques?
Mon combat à moi , aujourd'hui, c'est de garder mon statut de RMIste malgré mon stage actuel. Qu'on ne me fasse pas croire qu'avoir des diplomes sur mon CV rend indécent ma demande, qu'on ne me considère pas comme une privilégiée sous prétexte que mes parents ne m'ont pas mis à la rue à 18 ans. Là j'en ai 28, je voudrais avoir mon lieu de vie, un travail stable, je voudrais au moins qu'on daigne m'envoyer trois mots de réponse quand j'envoie une candidature à un poste, qu'on cesse de me dire "bon dieu, mais si on n'est pas plein d'espoir à votre âge, quand le sera-t-on?". Les gens qui me disent ça ne sont pas ceux qui manquent le plus d'espoir malgré leur âge, et en général ils m'accusent de défaitisme quand je signale l'inexistence d'offres d'emploi pour les jeunes diplomés. Si on ne veut pas de moi comme salariée, si on ne veut pas de moi comme chomeuse parce que soit disant mon stage à temps plein m'empêche de chercher sérieusement du travail, je veux qu'on reconnaisse au moins que je ne suis pas "insérée" malgré mes diplomes.
Je voudrais juste apparaître quelque part... Et pour vous, comment ça se passe? Avez-vous fait des stages? Est-ce que cette lutte vous paraît juste? Est-ce que vous avez ou avez eu des difficultés à trouver votre premier emploi? N'hésitez pas à me raconter en commentaire ce que vous pensez de ce mouvement...