J'ai jamais été trop forte sur ces bêtes-là. Au collège, ma copine Joëlle fonçait à toute berzingue dans le quartier, faisant fi des trottoirs, ralentisseurs, pots de yaourts et autres obstacles sur notre chemin. Et moi, fatiguée d'avoir l'air d'une froussarde infouttue de lâcher son guidon pour indiquer ses changements de direction, j'avais fini par décider qu'on se verrait chez elle ou chez moi, mais en tout cas bien au chaud (et à l'abri) avec un Trivial Pursuit Junior et une bouteille de sirop de grenadine.
J'ai quand même refait des efforts un peu plus tard pour une ballade en VTT dans le Jura. J'avais gagné un séjour au CPIE de Franche Comté (je croyais que c'était un Centre Permanent d'Initiation à l'Environnement, à ce que je me rappelais, mais je viens de lire ailleurs qu'il s'agissait d'initiatives pour l'environnement... changement de nom ou mémoire défaillante?), fallait bien suivre le groupe et au niveau paysages, ça valait le coup.
Mais depuis ma majorité environ, rien. J'ai bien pratiqué un peu le vélo de salon devant les images du tour de France, parce que c'est toujours rigolo et qu'il fallait rentabiliser le machin que ma mère s'était achetée pour ne jamais s'en servir (comme la plupart des choses qu'elle achète d'ailleurs, mais c'est une autre histoire...).
Il ne faut pas croire pour autant que je suis devenue une fan de voiture dès le passage de mon permis. J'ai bien récupéré une vieille voiture de mon grand oncle, passée entre temps entre les mains de ma mère et donc plus trop en grosse forme, mais elle m'a servi principalement à faire mes trajets pendant mes stages (et non, l'essence était pas remboursée non plus...) jusqu'à ce qu'elle rende l'âme pendant mon stage ingénieur, sous l'oeil amusé des gars à la terrasse du bistrot qui ont regardé mon moteur fumer et cracher d'un air goguenard (non, c'est pas le moteur qui avait un air goguenard, mais suivez un peu, bon sang!) . Quand j'y repense, je me dis que c'était ce qui pouvait arriver de mieux à ce veau polluant qui suçait du Super avec plomb sans modération et qui était aussi facile à manoeuvrer qu'un char d'assaut. (bon, je sais, vous allez me dire que si j'avais du mal avec mon vélo, c'est pas étonnant que j'aie eu du mal avec une R19 sans conduite assistée, mais CA N'A RIEN A VOIR! Et d'abord j'ai eu mon permis du premier coup, na!)
Brrrreeeef, ça faisait donc quelques temps qu'à force de pester sur le règne de l'automobile, sur l'espace énorme que les voitures prennent sur la ville, j'avais beau utiliser uniquement mes pieds et les transports en commun, je me sentais comme une écolo en pleine imposture, puisque je n'avais même pas mon vélo pour parcourir Paris et "reconquérir l'espace urbain" comme ils disent... D'où un espèce de stress en voyant arriver les Vélib' ; "mince, je vais plus pouvoir dire que c'est parce que j'ai pas de vélo"... Je suis restée à tourner autour du pot un moment, à écouter les témoignages de "ceux qui avaient essayé" (c'était quand même l'évènement de l'été à Paris, en dehors de l'actualité politique déprimante et de la météo tout aussi déprimante) et j'ai quand même fini par en essayer un. J'ai choisi une borne bien planquée dans une rue pas trop fréquentée, à une heure creuse, j'ai fait trois fois le tour de la borne (pourtant, je savais comment ça marchait, c'est mon truc de tout savoir en théorie avant d'oser passer à la pratique) et j'en ai pris un, juste pour voir. J'ai fait trois tours de pédales avant de me rendre compte que j'avais les genoux sous le menton et que je pourrais pas continuer comme ça; j'ai failli le reposer parce que je savais pas comment remonter la selle et que le gars, dans le camion, là, c'était sûr qu'il se fouttait de ma tête,je me suis fait mal aux doigts, j'ai quand même réussi (pas assez) , et je suis partie, zigzaguant un peu, la peur au ventre et la honte aux joues, en essayant de rester le plus possible loin des voitures (le mois d'août m'a bien aidée là dessus). Quelques rues plus loin, j'étais quelqu'un d'autre: j'avais vaincu!!! La peur, la ville, les voitures, les feux rouges, le monde entier! Une reine du Vélib était née!!
Depuis j'ai des vraies traversées de Paris à mon actif, taxis hargneux et curieux qui posent des questions compris. "Alors, ça marche bien?", "C'est cher?", "Oh, il est beau votre vélo", etc, etc. J'ai même aidé une dame à en prendre un, connu mes premières galères (pédale manquante, borne qui refuse de fonctionner, station pleine).
Ouf, je suis une vraie écolo maintenant!! :-D