Mais finalement, qu'est-ce qu'elles font de mal, les Chiennes de Garde? Elles demandent le respect pour les femmes, elles demandent qu'on ne se fasse pas traiter de tous les noms sous prétexte qu'on est une femme, elles demandent qu'on cesse de réduire les femmes à des objets sexuels. Finalement, c'est un peu ce que souhaite toute femme normalement constituée... et tout homme qui n'est pas désespérément anti-féministe.
Quand je suis arrivée en école d'ingénieurs et que la seule chose que savaient me dire les anciens c'était "t'es bonne", je trouvais difficile de me faire des amis... Quand on racontait dans mon dos que j'allumais les mecs dès que je parlais plus de cinq minutes avec l'un d'eux (faut avouer quand même qu'il y avait quatre mecs pour une fille dans cette école; fatalement, ça m'est arrivé..!), je me demandais si c'était possible de simplement communiquer... Mais à ce moment-là, je trouvais juste que l'ambiance n'était pas terrible, et je me demandais ce que je faisais de mal pour qu'on me perçoive comme ça. Perplexité devant le mirroir le matin; est-ce qu'on va me trouver trop sexy? Est-ce qu'on va trouver que j'ai l'air d'une gamine? (coincée? intello? trop sérieuse? cochez la case correspondante...). Comment je pourrais faire pour n'avoir l'air ni d'une "salope" ni d'une "coincée du cul" ? J'ai fini par devenir une fille mystérieuse et lointaine, snobant tout le monde, simplement par incapacité à trouver quelle attitude adopter.. C'était finalement le meilleur moyen de ne pas montrer que les blagues salaces sur les autres filles ne me plaisaient pas trop et de ne pas prêter le flan aux blagues salaces sur ma propre personne...en tout cas de ne pas être obligée de les écouter!
Tomber sur le livre "Métro Boulot Macho" m'a permis de sortir de cette position intenable; j'ai enfin compris ce qui clochait!! Ce qui clochait, c'était cette image hypersexualisée qu'on me collait, en tant que rare fille dans un milieu d'homme. Ce qui clochait, c'est que je ne pouvais pas sortir de ce rôle de défouloir pour mecs post-adolescents un peu frustrés , j'étais soit la "putain", soit la "frigide", mais il m'était tout simplement impossible d'être simplement un être humain, et d'être perçue autrement qu'à travers le prisme déformant du "baisable"/"pas baisable". C'était invivable quoi! Chacune trouve sa réponse à cela; certaines s'accomodent très bien d'attirer tous les désirs, d'autres se renferment en petits groupes de copines. Je n'ai pas réussi à me cantonner dans un de ces deux rôles; trop timide et immature pour assumer d'être "sexy", trop attirée par les hommes pour les ignorer complètement, et incapable de me caser une bonne fois pour toute dès le début, meilleur moyen de régler le problème de son image dans le groupe.
Il a fallu que je navigue d'une image à une autre, d'un rôle à un autre, avant de réussir à simplement me montrer telle que j'étais; il a surtout fallu que je mette dans ma poche ma susceptibilité, et que je comprenne que sortir des stéréotypes m'exposait fatalement à des crispations et des attaques... Comprendre tout ça a été ma libération à moi; je pouvais enfin remettre dans un cadre général mon cas particulier; je ne portais plus seule la responsabilité de mes relations difficiles avec cet entourage (milieu traditionnellement masculin, et dont toutes les représentations font référence à un temps où les femmes n'avaient pas encore mis le pied dans les grandes écoles).
Loin de me braquer contre ce "monde de machos", ça m'a permis de faire la part des choses entre les archaïsmes qui subsistent chez tous les individus (hommes et femmes) et les capacités d'adaptation de chaque personne. Je n'avais plus à défendre mon image contre un groupe informe et monobloc et je pouvais enfin entrer en relation avec des êtres humains, tous différents mais ayant des bases culturelles (donc paternalistes) communes...